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Violences faites aux femmes neurodivergentes : une réalité encore trop invisible
Ce 25 novembre rappelle l’urgence de lutter contre les violences faites aux femmes.
Mais parmi toutes celles qui subissent ces violences, un groupe reste encore largement invisible, mal compris et insuffisamment protégé : les femmes neurodivergentes — autistes, TDAH, dys…, avec ou sans diagnostic officiel.
Ces femmes sont beaucoup plus exposées, beaucoup moins crues lorsqu’elles parlent, et beaucoup moins aidées lorsqu’elles demandent du soutien.
Cet article vise à rendre visible l’invisible, à comprendre pourquoi cette vulnérabilité existe, quelles en sont les conséquences, et comment mieux soutenir et protéger les femmes neurodivergentes.
📌 Une réalité statistique alarmante mais sous-documentée
Les données restent limitées, car la neurodivergence est rarement prise en compte dans les études sur les violences.
Cependant, plusieurs recherches montrent un constat clair :
➤ Les femmes autistes ont 2 à 3 fois plus de risques d’être victimes de violences psychologiques, sexuelles ou physiques.
➤ Les femmes TDAH présentent un risque de violence conjugale significativement augmenté.
➤ Les femmes neurodivergentes subissent davantage de gaslighting, d’exploitation, de manipulation émotionnelle et financière.
Et pourtant… elles sont souvent moins crues, moins comprises, et parfois perçues comme « exagérant » ou « comprenant de travers ».
🌪 Pourquoi les femmes neurodivergentes sont-elles plus exposées ?
Plusieurs facteurs se combinent — aucun ne vient de la personne elle-même, mais de l’environnement social, d’un monde inadapté, et du manque de compréhension de la neurodivergence.
1. 🎭 Le camouflage et la difficulté à poser des limites
Beaucoup de femmes autistes ou TDAH apprennent dès l’enfance à se sur-adapter, à lisser leurs besoins, à minimiser leur stress, à dire « oui » pour ne pas déplaire.
Ce camouflage a deux conséquences :
il cache leur détresse, les rendant « faciles à manipuler » pour les agresseurs
il réduit leur capacité à exprimer clairement leurs limites ou à reconnaître que quelque chose n’est pas normal
Le camouflage protège à court terme, mais expose à long terme.
2. 🧠 La naïveté sociale ou la confiance littérale
De nombreuses femmes neurodivergentes interprètent les paroles de manière littérale, font preuve d’une grande confiance, ou ont du mal à reconnaître les intentions malveillantes.
Résultat : elles repèrent souvent trop tard les signaux d’abus, ou ne les reconnaissent pas du tout.
3. 🌀 La dépendance émotionnelle créée par le système
Isolation sociale, rejet, burn-out, épuisement…
Les femmes neurodivergentes sont parfois plus isolées et donc :
plus dépendantes d’un partenaire unique
plus vulnérables aux menaces, au chantage, au contrôle
moins entourées pour demander de l’aide
4. 🪤 Le gaslighting qui cible spécifiquement leurs particularités
Beaucoup d’agresseurs exploitent la neurodivergence pour discréditer la victime :
« Tu comprends mal. »
« Tu exagères, c’est ton autisme/ton TDAH. »
« Tu es trop sensible. »
« C’est toi qui fais un drama. »
Ce type de manipulation touche plus profondément car il attaque directement leur identité et leur perception du monde.
5. 🧩 La difficulté à être crue par les professionnels
C’est l’un des points les plus graves :
➤ Les violences sont sous-déclarées.
➤ Et lorsqu’elles sont déclarées, elles sont sous-reconnues.
Les particularités sensorielles, émotionnelles ou communicationnelles peuvent être mal interprétées :
comme un manque de crédibilité
comme de la confusion
comme de l’instabilité
comme un « problème comportemental »
Les institutions ne sont pas encore formées à accueillir la parole neurodivergente.
💔 Les conséquences psychologiques et physiques
Les violences ont des effets dévastateurs pour toutes les femmes.
Mais chez les femmes neurodivergentes, ces effets peuvent être amplifiés, parfois massifs, en raison de leur système nerveux plus sensible et plus vulnérable au stress chronique.
🌬 1. Hyperactivation du système nerveux et trauma complexe
Le TSA comme le TDAH sont associés à un système nerveux plus réactif.
Les violences peuvent provoquer :
des crises sensorielles
des shutdowns
des meltdowns
des troubles du sommeil
un état d’alerte quasi permanent
des troubles dissociatifs
un traumatisme complexe (C-PTSD)
🧩 2. Perte d’autonomie et fonctionnement diminué
Les violences entraînent :
un effondrement exécutif
une baisse de la capacité à organiser son quotidien
une hypersensibilité émotionnelle
une diminution de la confiance dans ses propres perceptions
une difficulté à prendre des décisions
Les femmes neurodivergentes se blâment souvent :
« Je n’ai pas réussi à partir », « je n’ai pas compris », « j’aurais dû voir les signes ».
En réalité, aucune responsabilité ne leur revient.
🫶 3. Isolement et perte de repères
L’agresseur isole, dévalorise, réduit l’estime de soi.
Chez une femme neurodivergente, cela peut provoquer :
une perte totale de confiance
l’impression d’être “défaillante”
un renforcement du camouflage pour survivre
une coupure émotionnelle avec le monde extérieur
😷 4. Conséquences physiques
Les violences (physiques, sexuelles, psychologiques) ont des effets somatiques :
douleurs chroniques
migraines
troubles digestifs
aggravation des hypersensibilités
épuisement chronique
déséquilibres hormonaux (très fréquents)
🌼 Comment soutenir, accompagner et protéger les femmes neurodivergentes ?
✔ Former les professionnel·les (médecins, police, justice, assistants sociaux)
✔ Créer des espaces sûrs pour écouter leur parole
✔ Adapter la communication : plus simple, claire, sans jugement
✔ Respecter leur rythme sensoriel et émotionnel
✔ Ne jamais attribuer leurs blessures « à leur autisme/TDAH »
✔ Accompagner avec douceur, patience et validation
✔ Encourager des réseaux de soutien bienveillants
✔ Développer des outils spécifiques : guides, scénarios sociaux, checklists, lignes d’urgence adaptées
🕯 Un message pour les femmes neurodivergentes qui ont vécu ou vivent des violences
Tu n’es pas responsable.
Tu n’es pas “trop sensible”.
Tu n’es pas “fausse”, “compliquée” ou “dans l’erreur”.
Tu n’as rien “mal compris”.
🌸 Ce que tu as vécu est réel.
🌸 Ta perception est valable.
🌸 Ton histoire mérite d’être entendue et crue.
🌸 Et tu mérites un avenir en sécurité, entourée, respectée.
Aujourd’hui, 25 novembre, on te voit.
On t’écoute.
On te croit.
On te reconnaît.
📚 Références
Bradley, L., & Hutson, M. (2023). Autism, gender and violence: A review of vulnerability and risk. Autism Research.
Pecora, L. A., Hancock, G., Mesibov, G., & Stokes, M. (2020). Sexual victimization and autism spectrum disorder: A systematic review and meta-analysis. Journal of Autism and Developmental Disorders.
Secrétariat suisse d’État à l’économie (SECO). (2023). Violences domestiques en Suisse.
Tint, A., & Weiss, J. A. (2016). Violence and victimization in adults with autism spectrum disorders. Research in Autism Spectrum Disorders.
Young, S., & Cocallis, K. M. (2019). Women with ADHD: Increased vulnerability to intimate partner violence. Journal of Interpersonal Violence.
World Health Organization. (2021). Violence Against Women: Prevalence Estimates.
Plante, C. (2022). Trauma, neurodivergence and chronic stress: A neurological perspective. Routledge.





